22 décembre 2013

Rituel de Nouvelle Lune : purification et protection avec Hekate

Ce rituel est proposé par le Sanctuaire de Hekate Thetys Krataiis et se déroulera le 1er janvier 2014 pour la première nouvelle lune de l'année. N'hésitez pas à rejoindre la page de l'événement sur Facebook pour en savoir plus et interagir avec d'autres participants.

Oracle d'Hekate Phosphoros par Yidina Druisa
Invocation de la Flamme Perséide d'Hekate par Ness Bosch (écrite le 24 septembre 2013)
Traduction et adaptation personnelles, merci à Ness Bosch pour son soutien !





Oracle d'Hekate Phosphoros et Invocation de la Flamme Perséide d'Hekate

Le rituel de Lune Noire est divisé en deux parties, décrites ci-dessous. Le but de ce rituel est d'obtenir des réponses dont vous auriez besoin, et de chasser des énergies négatives qui auraient pu se manifester contre vous-même ou vos proches au cours du cycle lunaire passé. Il est recommandé de le réaliser entre minuit et l'aube, au moment de la lune noire.


Oracle d'Hekate Phosphoros

Je tiens à remercier Yidina Druisa pour sa contribution toute particulière à ce rituel de Lune Noire : un Oracle qu'elle a développé intuitivement et devant son autel, alors qu'elle pesait le pour et le contre à propos de trois voies qui s'offraient à elle, la nuit du 1er juin 2011.

Cet Oracle est tout à fait désigné pour nous aider à choisir parmi différentes options, lorsque nous ne savons pas pour laquelle opter.

Pour préparer l'Oracle, qui constitue la première partie de notre rituel de Lune Noire, vous aurez besoin de trois longues allumettes en bois. Après avoir listé les options ou décisions que vous devrez prendre pendant le cycle lunaire à venir (et il y en aura certainement), asseyez-vous et méditez sur la question à laquelle vous cherchez une réponse au travers de cet exercice oraculaire. Après cela, invoquez les Vents et appelez notre mère Hekate. Puis, prenez les trois allumettes, de sorte que vous puissiez les allumer en les frottant toutes les trois en même temps.

Une fois les allumettes enflammées, levez votre bras en les tenant toujours dans votre main et dites :

« Mère, je t'offre cette torche ; guide-moi avec ta lumière et ta sagesse. A ce carrefour, tu me montreras le chemin. Hail Hekate ! »

Ou en grec :

« I̱ mi̱téra sou prosféro̱ af̱tó to fakó , odi̱gós mou me to fo̱s sou kai ti̱ sofía sas . Sti̱n paroúsa synkyría tha prépei na mou deíxei to drómo, Hail Hekate! »

Après cela, placez les allumettes dans un chaudron ou autre contenant que vous aurez disposé sur l'autel, afin que la flamme se trouve à l'intérieur et que les trois manches des allumettes s'étendent à l'extérieur, séparés, se consumant ainsi de l'intérieur vers l'extérieur.

Formulez votre question, et demandez à la Déesse d'y répondre, en faisant tomber les allumettes correspondant aux options à rejeter hors du contenant ; celle restant en dernier à l'intérieur du chaudron correspondra à Sa réponse, celle qu'Elle aura choisi comme l'option à privilégier.

Nous proposons cette méthode en raison de sa simplicité et de sa clarté ; de plus, c'est économique, et cela contient plusieurs symboles liés à Hekate :

- Des allumettes. En espagnol, fósforos, un épiclèse de la Déesse.
- Lorsqu'elles sont allumées et tenues en l'air, elles forment une petite torche.
- Il y a trois allumettes. Une question avec trois réponses possibles est formulée, et ces allumettes brûlent dans un chaudron, qui symbolise le giron maternel.
- Elle fait chuter les options inapproriées, à la façon de la Nouvelle Lune qui crée des ruptures afin que nous puissions renaître forts sous l'influence de la Pleine Lune.
- Elle est une déité liée au feu, aussi la divination réalisée avec cet élément est assez propice.

Les observations de Yidina :

- Placez un plateau en métal sous le contenant, afin d'éviter les accidents. De cette façon, vous n'aurez pas peur de déclencher un incendie, et n'aurez pas du tout à toucher les allumettes.
- La réponse est rapide, les allumettes tombent rapidement. C'est pourquoi la question doit être formulée avant de les placer dans le chaudron.
- J'attends trois choses de cet Oracle : d'abord, qu'il vous guide lorsque vous doutez. Ensuite, qu'il vous apporte la paix et vous ouvre les mystères de la Mère. Enfin, que cette acte spirituel et dévotionnel vous rapproche de notre reine invincible, Hekate.

Invocation de la Flamme Perséide d'Hekate

Cette idée de la Flamme Perséide est née d'une inspiration personnelle, comme un outil permettant de nettoyer les énergies et comme un bouclier, utilisant l'énergie Perséide/Titanide d'Hekate pour nous aider.

Nous savons qu'il est facile d'accumuler l'énergie négative autour de nous, aussi ceci devrait être une bonne aide pour la chasser en cas de besoin. L'idée est de reproduire le rite à chaque lune noire, afin de purifier les énergies du cycle lunaire passé mais vous pouvez l'utiliser dès que vous sentez que vous avez besoin de cette flamme Perséide.

Pour invoquer cette flamme Perséide d'Hekate, nous aurons seulement besoin de trois choses :

- Une bougie (plutôt noire, mais utilisez du blanc si vous n'en avez pas)
- De l'huile pour ritualiser
- De l'encens naturel ou des herbes à brûler

Nous allons nous asseoir en posture de méditation devant notre autel. Après quelques minutes, nous prendrons la bougie et nous la oindrons, en nous concentrant sur sa mission purifiante, avant de la disposer sur l'autel. Demandez alors à Hekate de venir à vous, allumez la bougie, élevez vos bras avec vos paumes tournées vers le ciel, de sorte à former une coupe au-dessus de votre tête, afin de recevoir l'énergie de la Déesse, et procédez à l'Invocation.


Chant – Invocation de la Flamme Perséide d'Hekate

Oh Hekate, fille de Persès,
J'invoque en cette sombre nuit
Ta main ferme et au geste infaillible ;
Je t'appelle, Titanide, destructrice,
Afin que tu insuffles ton souffle immortel
à cette flamme perséide
Allumée en ton nom.
Je demande ta protection, et j'en appelle à ta force.

Oh Hekate, avec ton feu destructeur
Puisses-tu repousser ce qui me cause souffrance
Et ceux qui m'attaquent.
Avec ce feu, puisses-tu éloigner et purifier les énergies négatives
Qui pèsent sur mes proches et sur moi-même.
Puisses-tu dissoudre les sombres volutes de la douleur et de l'injustice,
Et restaurer l'ordre et l'équilibre là où règne le chaos.

Oh Hekate, écoute l'appel de ceux qui t'invoquent,
Ne laisse pas ta fille entre des mains malveillantes,
Enveloppe-moi de tes bras en ces sombres instants.
Alors que ces mots sont proférés par ma bouche,
Brûle, détruis, pulvérise, terrorise, rejette,
Mes ennemis, qu'ils soient connus ou inconnus.
Chasse-les loin du carrefour où ils se tiennent
Et où ils menacent mon propre chemin.

Hail Hekate !

23 septembre 2013

Hermès Khtonios et Hékate Khthonia

Traduction et adaptation personnelles.

Le retour de Perséphone

Hermès est, peut-être, un des dieux les plus sous-estimés. Il est un Olympien, et respecté en tant que tel ; mais ça n'est pas tout ce qu'il est. Il a une autre tâche, bien plus importante que son rôle de simple messager qu'on croise dans les mythes ; il s'agit du rôle de guide des morts vers leur destination finale. Il les conduit de leurs corps vers les Enfers, où ils seront amenés dans le sinistre royaume d'Hadès par la barque de Charon. Dans ce rôle, il n'est plus seulement un dieu de la terre et des cieux, mais aussi de sous la terre : un dieu chthonien. Il devient Hermès Diaktoros ou Pompaios - le guide - et Hermès Kataibatês, celui qui descend.

Quand Perséphone fut enlevée par Hadès, c'est Hermès qui, à la demande de Zeus, se rendit aux Enfers afin de la rechercher. Ce n'était pas Zeus lui-même, ou un autre dieu, olympien ou non. C'était lui : le messager des dieux, à la fois sur terre et sous la terre. Bien que Perséphone ne l'accompagna pas vers la surface, ce sera lui plus tard qui retournera la chercher ou la ramènera en Hadès tous les six mois.

C'est peut-être dans ce rôle, guide plutôt que messager, qu'Hermès Khthonios devint si lié à Hékate. Elle, protectrice de Perséphone. Lui, guide de Perséphone. Pausanias et Propertius font allusion à Hermès Khthonios ayant des enfants avec des nymphes et des divinités des Enfers : Daeira et Brimo. Daeira, mère d'Eleusis, fut identifiée à Hékate à travers leurs connexions communes aux Mystères Eleusiniens ; et Brimo, une déesse des Enfers, fut identifiée à Daeira et à Hékate. Le nom "Brimo" - celle en colère, la terrifiante - est fréquemment considéré comme un épithète d'Hékate - faisant dès lors d'Hékate la consort de Hermès Khthonios ; et si on tient compte des connexions Hékate-Daeira et Daeira-Brimo, elle est également la mère d'Eleusis, dont Hermès est le père.

De plus, Hermès Khthonios et Hékate n'avaient pas que Perséphone en commun. Tous deux étaient également guides des morts : Hermès Khthonios dirigeait les âmes jusqu'à l'embouchure des Enfers, et Hékate les ramenaient sur terre sous forme de fantômes. Peut-être, alors, pouvait-on considérer qu'ils avaient une relation dualiste, étant à la fois antagonistes et compagnons ; là où Hermès Khthonios limitait l'influence des morts, Hékate Khthonia les libérait.

Hermès et Hékate partagent encore un autre aspect. Un des deux animaux sacrés d'Hékate est le chien, particulièrement les chiens des Enfers (the kunes khthonioi), à cause de la transformation de la Reine Hécube en une chienne noire. D'après Apollonius Rhodius, Lycophron Ovide et Virgile, pour citer quelques auteurs, l'arrivée d'Hékate sur terre depuis les Enfers était annoncée par les aboiements des chiens dans la nuit. Hermès a lui aussi une connexion aux chiens, en tant que dieu de l'élevage et des chiens de garde. Ainsi, on peut resserrer le lien encore davantage : l'arrivée de la déesse incite les chiens à aboyer, ces créatures sur lesquelles le dieu a un pouvoir ; peut-être un avertissement à ceux qui voudraient s'aventurer sur le chemin de la déesse (et ainsi se retrouver loin de la protection qu'Hermès assure aux voyageurs comme au foyer).

Bien que des expériences personnelles ou des sources alternatives puissent contredire toute relation à caractère sexuel entre Hermès Khthonios et Hékate, on ne peut nier qu'il existe une relation. Ils sont les opposés, les compagnons parfaits, l'équilibre idéal : Olympien-chthonien et chthonien-Titan ; lumière-ombre et ombre-lumière ; ciel-terre et terre-ciel ; féminin-masculin et masculin-féminin.

Hermès Khthonios ne pourrait exister sans Hékate Kthonia, et vice-versa. Ils ont besoin l'un de l'autre : le monde souterrain, le monde des mortels et le Mont Olympe, ont tous besoin d'équilibre pour exister et fleurir, et Hermès et Hékate pourvoient ces différents mondes avec la balance nécessaire. Ils sont des dieux avec un pied dans chaque monde, reliant l'un à l'autre tout en les séparant. Divinités infernales, chthoniennes, maritimes, célestes, qui n'auraient pu exister pleinement sous quelconque autre forme.

17 septembre 2013

Perséphone - Poème par Therese Leigh

Extrait de "Hell and Its Horizons"
Traduction et adaptation personnelles.
Disponible en anglais sur ce site.


L'enlèvement de Perséphone par Rembrandt


I

Sa main a engendré la grâce des champs.
Quand je pense à mon enfance,
Je me souviens d'un éternel printemps -
Une explosion constante de fleurs nouvelles,
Le bruissement que je pensais sans fin d'ailes lumineuses,
La quiétude de pétales dorés s'ammoncelant,
Le doux bourdonnement dans la brume au-dessus de la prairie
Des abeilles plongeant dans le nectar.
Je m'ouvrais à la terre florissante
Libre d'aller et venir parmi les fleurs.
Ma généreuse Mère déposait ses présents devant moi
Comme si elle se déchargeait de pommes mûres
Emplissant son tablier, débordante de fécondité,
Et je goûtais à la richesse de son lait,
Au miel de ses baisers,
Son regard plein d'amour sur mes joues tendres
Tandis que je sautillais parmi l'abondance.
Innocente parmi les vierges
Je pillais le champs ensoleillé,
J'emplissais mon panier jusqu'à ras bord,
Piochant sans fin là où de gaies pâquerettes me faisaient signe,
Sans le moindre soupçon.
Alors sa main m'agrippa,
Au centre d'un ravissant bosquet
M'emportant avec lui dans les profondeurs
Si soudainement que je n'ai pas pensé à me replier
Mon visage plongea
Parmi les pétales
Et je chutai
Saisie dans sa sombre embrassade.
Mes cris
Vers ma Mère et la lumière
Il n'en tint pas compte
Et je voyageais sous sa cape
Vers le Tartare
Où la couleur de mes joues s'estompa,
Laissant place au blanc de la Mort
Sous l'ardeur
De ses baisers répugnants.
Il déchira mon habit
Et dévora tout ce qui était pur.

II

Fiancée de la Nuit.
Reine des Morts.
Le tumulte gris gonfle
Engouffrant mes sens,
Jusqu'à ce que je ne parvienne plus à me souvenir
de la couleur et de la lumière ;
Et j'apprends l'étiquette,
Comment régner parmi les ombres.
Je glisse dans un rêve de nepenthe.
Pourquoi ce mal-être intrigue-t-il les hommes -
Mon infortune, ma prison,
Robe noire humide de liquides innommables,


Peau qui sent
Comme le chagrin,
Yeux tels des feuilles mortes,
Secs, secs,
Sans plus la moindre larme à pleurer.
Je deviens froide -
Les voici, les hommes,
Qui veulent me faire sortir
Des entrailles de l'Enfer -
Thésée,Pirithoüs.
Ils veulent baiser
La Reine des Morts.

III

Les grains de grenade...
J'en ai mangés - seulement six -
Et voici qu'ils me lient à mon triste destin
Les Dieux m'ont blâmé pour ma faim
Et désormais, je réside ici la moitié de l'année.

IV

Les célébrants attendent
Le retour de la jeune fille,
Et je suis extirpée de la nuit et du chaos,
Etendue soudain parmi les douces
Marguerites de ma jeunesse.
Les mains blanches des vierges
me relèvent,
me baignent dans la source,
Elles pincent mes joues -
Offrant des roses à ma pâleur,
Et je suis propre à nouveau,
Virginité restaurée.
J'essaye de sourire
En approchant les célébrants.
Ma mère se réjouit,
Accélère son pas.
J'avance doucement
Et vois dans son visage
Comment elle a fait renaître le monde
pour moi.
Ils n'ont pas l'air de savoir
Que je prétends être vivante.
Nul ne s'inquiète
Si le rite est un simulacre -
Il doit être parfaitement conduit
Et en temps mesuré.
Prêtresse et hiérophante
attendent patiemment
leur union impie.
Ornée de guirlandes, je danse dans l'allégresse des jours saints
Un automate,
Une poupée de chiffon,
Pion des Dieux
Ne savent-il pas que mon coeur noir
N'a pas changé de couleur ?
Je suis la Reine des Morts
Ma peau flotte dans la lumière du jour
Comme un drapeau défraîchi
Attendant d'être porté
Vers son véritable pays.

12 septembre 2013

Perséphone - Fragments 1


J'aime les posts que Sannion consacre à "ses" Dieux, et qu'il compose uniquement d'images, de musiques, de courtes citations. Ils me remuent et m'apprennent souvent bien plus que de longs discours, revenant me hanter dans mes rêves ou dans la routine du quotidien. Ici, à la manière de l'habitant de la Maison des Vignes, j'ai rassemblé pour la première fois quelques visions et airs glanés au fil des ans, qui m'évoquent Perséphone en route vers les Enfers. J'espère qu'ils vous inspireront à l'approche de l'équinoxe.

*










Crédits :
Collage par Thomas Schostock
Paroles et musique par Bat For Lashes
Image du film "innocence" par Lucile Hadzihalilovic
Paroles et musique par Chelsea Wolfe
Photographie par Hans Bellmer
Image par Kath Morgan
Photo de Tori Amos pour l'album "the Choirgirl Hotel"

11 septembre 2013

Ereshkigal et Perséphone

Texte original par Melitta Benu.
Traduction et adaptation personnelles.




Les mythes d'Ereshkigal et Perséphone ont des trames similaires. Mais nombreux sont ceux qui auraient tendance à éluder les similarités de ces divinités en se focalisant sur les apparences. Ainsi, beaucoup de personnes jettent un œil à Perséphone et se disent quelque chose du genre "Oh ! Quelle jolie fille !", s'arrêtant là, négligeant ses qualités plus fortes qui sont pourtant nombreuses. Pour Ereshkigal, les mêmes auront tendance à oublier son côté plus doux, les éléments qui, dans ses mythes, évoquent ses qualités comme sa profonde capacité d'amour, et ceci en faveur de ses traits plus marqués, ceux qui sont violents, comme sa rage ou sa nature exigeante. Pourtant les mythes parlent d'eux-mêmes, pointant des similarités souvent mises de côté.

Meeting Persephone, par Susan Richards Bafa

Le mythe de l'enlèvement de Perséphone nous est familier. En revanche, le mythe relatant l'enlèvement d'Ereshkigal et sa propre descente aux Enfers est une source peu étudiée, offrant pourtant une vision riche de la déesse, ainsi que du motif de l'enlèvement dans le monde souterrain - qui consiste en d'autres termes à être emmenée (violée) vers l'initiation (l'obscurité) par une supposée force autre (Hadès, Kur), symbolisant en réalité la part de nous-mêmes qui a faim de sagesse. A ce point de notre article, je voudrais examiner certains des traits similaires entre les mythes de Perséphone et d'Ereshkigal. A l'origine, Ereshkigal était une déesse céleste, amenée de force vers le monde souterrain par le dragon Kur, dont le nom signifiait "le grand pays", référence dans ce cas au monde d'en-dessous, l'Enfer des Sumériens. Enki, le frère jumeau d'Ereshkigal, souhaitant venger ce crime et ramener sa soeur, s'attaqua à Kur. Enki et Kur luttèrent au cours d'une bataille épique et Enki en sortit victorieux. Mais il était trop tard pour libérer Ereshkigal, qui était déjà montée sur le trône du Monde Souterrain et ne pouvait retourner vers le monde des vivants.

La trame du mythe ressemble de manière frappante à celle de Perséphone : enlèvement, viol et couronnement de force aux Enfers. Les deux déesses proviennent du "monde d'au-dessus", toutes deux sont des jeunes vierges, enlevées de force, et toutes deux deviennent reines des Enfers, amenées sur le trône à cause des machinations du souverain des lieux, Kur/Hadès. Bien plus que ça : le thème de la mort et de la résurrection, le voyage de l'âme à travers l'initiation et la mort physique, tout ceci est montré dans les deux mythes. Perséphone elle-même a longtemps été considérée comme un symbole du voyage de l'âme à travers la mort et la résurrection, ainsi que comme une allégorie du chemin initiatique à travers les Mystères. Au travers de sa fascination pour l'objet-fétiche (le narcisse), elle est enlevée et retenue dans l'obscurité, lieu de l'inconnu et de l'identité instable, où elle doit forger son nouveau moi. Ereshkigal fait de même, dans l'obscurité d'Irkalla, dont elle devient une partie intégrante, au point que même Enki, son frère jumeau, ne peut la sauver. Ereshkigal, tout comme Perséphone, devient reine du monde souterrain, avec toutefois une différence - Perséphone, elle, revient. Elle est l'initiée qui retourne à la lumière, Ereshkigal est celle qui prospère dans l'obscurité. Perséphone se "recycle", sa vraie nature restant cachée dans les mythes - elle est voilée. Ereshkigal est celle qu'elle est, non voilée, se montrant de manière éhontée : elle ne fait qu'un avec le Néant d'Irkalla. Les mythes nous le montrent, une différence poignante existe entre ces deux déesses : Perséphone "meurt" en automne pour rejoindre son époux aux Enfers, s'unit à lui tout comme on dit que l'âme s'unit avec les dieux ou les ancêtres (selon les croyances) ; elle retourne dans son royaume des Enfers, et renaîtra au printemps comme la Porteuse de Vie, tout comme l'âme est ressuscitée sous la forme d'une nouvelle vie : les fleurs qui émergent du sol, les créatures nouvellement nées. Ereshkigal, de son côté, incarne les leçons d'Irkalla - une fois qu'on y pénètre, une fois qu'on s'unit au Néant, le Nirvana des Bouddhistes, il n'y a pas de retour possible. 

Deux autres mythes sont assez connus pour être mentionnés ici : le mariage d'Ereshkigal et Nergal (dans ses deux versions) et la Descente d'Inanna.

Ereshkigal, par John Magnet Bell

Dans le mythe de Nergal et Ereshkigal, Nergal est tout d'abord porté à l'attention de la Grande Dame par le rapport de son vizir, Namtar, qui lui dit que Nergal n'avait pas témoigné de respect à son égard, contrairement aux autres Dieux, alors qu'il était reçu parmi eux pour recueillir la portion d'un festin revenant à sa maîtresse. Ereshkigal demande alors que le Dieu irrespectueux soit accueilli comme invité aux Enfers, et l'enjoint d'accepter son hospitalité. Enki, le propre frère d'Ereshkigal, conseille Nergal : il lui dit d'y refuser toute nourriture, lit ou bain, de s'asseoir seulement sur une chaise conçue exclusivement pour lui et amenée d'En-Haut avec lui, et enfin, de ne pas faire "ce que hommes et femmes font". 

Nergal suit les conseils de son oncle et emporte sa chaise aux Enfers où il rencontre Ereshkigal, qui lui propose un véritable festin et l'invite à prendre place sur un de ses sièges. Nergal refuse, s'asseyant sur sa propre chaise et jeunant. Il refuse lit et bain. Plus tard dans la nuit, pourtant, il aperçoit Ereshkigal procédant à ses propres ablutions, et ne peut résister à sa beauté - ils feront l'amour passionnément pendant sept jours et nuits. Le septième jour, Nergal quitte Ereshkigal, qui, comme on peut le comprendre, n'est PAS heureuse de la chose, et exige aussitôt qu'il revienne, comme il l'a promis. Elle rappelle aux Dieux son enfance malheureuse aux Enfers, ces années sacrifiées en ces lieux pour son devoir, son absence totale de plainte pendant tout ce temps-là, et leur dit que s'ils ne lui renvoient pas "Erra", elle ouvrira les portes d'Irkalla et libérera tous les morts sur la terre, où ils dévoreront tous les vivants. Pendant ce temps, Nergal se cache dans les cieux, et Namtar, malgré ses recherches, ne parvient pas à le trouver. A ce point du récit, certains éléments ne sont pas parvenus jusqu'à nous ; quoiqu'il en soit, nous savons que finalement Nergal retrouve ses esprits, et défonce les portes d'Irkalla afin de rejoindre les bras d'Ereshkigal, qu'il ne quittera désormais plus jamais.

Il faut être familier des mythes orphiques pour établir un parallèle avec Perséphone ici. Dans ces derniers (d'après les Dionysica), Perséphone la jeune vierge est poursuivie par tous les célibataires de l'Olympe... Ce qui n'enthousiasme pas vraiment Déméter. En consultant un oracle, elle apprend que Perséphone portera l'enfant d'un ravisseur avant d'être mariée. Elle décide alors de mettre sa fille à l'abri et la cache dans une grotte, loin de tous les regards admirateurs, en particulier de celui de son père, Zeus. Néanmoins, Zeus parvient à rejoindre Perséphone en s'introduisant dans la grotte où ils conçoivent le dieu Zagreus.

Même si en apparence les mythes sont différents, leurs thématiques ne le sont pas. Séduction, conception et amour furtif entourent ces deux récits qui terminent pourtant avec des résultats très différents. Nergal est un dieu de la guerre, de la pestilence et du soleil, et son alliance avec Ereshkigal, et par conséquent Irkalla, paraît logique et même inévitable diront certains. Zeus est le dieu de la pluie et du ciel, un dieu fertilisant, et Perséphone, même après sa descente (qui n'a pas encore eu lieu dans ce mythe), est une déesse de la nature et de la nouvelle vie (le printemps). Même ici, sa captivité la rapproche des graines qui sont stockées ou "endormies" sous terre pendant l'hiver. De l'union entre la pluie et la terre naît Zagreus, le proto-Dionysos, l'esprit de la vie éternelle, de la vie en expansion

 Ereshkigal, dans son mythe, désire être fertilisée par Nergal, et le pleure lorsqu'il la quitte - ce qui peut être interprété comme la terre fertilisée par les rayons du soleil, et demeurant inerte lorsque le soleil ne peut la réchauffer. La guerre crée la mort comme le soleil nourrit la vie - la symbolique du mythe est double, et Ereshkigal est doublement complétée par Nergal ; son propre aspect fertile est activé par l'amour physique et émotionnel que Nergal lui apporte dans cette terre d'ordinaire totalement désolée. De nombreux dévots d'Ereshkigal le confirmeront : l'amour que ressent Ereshkigal pour son époux est sans fonds. Le thème de la séduction complète l'analyse des deux mythes : Zeus aime Perséphone, mais leur relation demeure éphémère, et elle épouse le Dieu des Enfers, Hadès. La pluie n'est pas un amant constant, contrairement au soleil, qui, même s'il se couche, illumine toujours la terre quelque part, continuant de la fertiliser.

Le plus célèbre des mythes reste celui de la descente d'Inanna aux Enfers, dans lequel elle rencontre sa sœur Ereshkigal qui la tue et fait pendre son cadavre à un crochet. Ce n'est que lorsque les Dieux envoient trois créatures faites de terre pour rechercher Inanna, alors que le monde est en train de mourir sans la déesse qui apporte amour et vie, qu'Ereshkigal libère Inanna, qui remonte, transformée, vers le Monde d'Au-Dessus. Perséphone et Psyché partage un lien similaire, bien que plus anodin. Dans le mythe d'Eros et Psyché, Aphrodite, en guise d'épreuve, décide d'envoyer la prétendante du Dieu de l'Amour aux Enfers, afin qu'elle lui rapporte dans une boîte un peu de la beauté de Perséphone, sa propre beauté étant ternie par les nuits passées à veiller son fils malade. Psyché se rend aux Enfers, et comme Nergal, refuse l'hospitalité et les mets préparés à son intention. La seule chose qu'elle accepte est la boîte renfermant la beauté de Perséphone, avec laquelle elle quitte le Monde d'En-Dessous. Pensant qu'elle-même gagnerait à se poudrer légèrement les joues avec le contenu de cette boîte, elle l'ouvre, et il en sort aussitôt un "sommeil stygien", semblable à la mort, qui s'empare d'elle (mais pas d'inquiétude, Eros la sauve).

Ce lien entre Ereshkigal et Inanna, Perséphone et Psyché, c'est celui qui relie l'âme et l'Âme. Ereshkigal et Perséphone ont toutes les deux empruntées le chemin de l'âme de la vie vers la mort, et chacune à leur manière, vers la renaissance. Dans leurs royaumes respectifs, elles incarnent l'Idée de l'Âme. Inanna et Psyché sont les âmes qui, comme le shaman, recherchent les trésors cachés dans l'obscurité du Monde d'En-Dessous, et entrent en contact avec le Néant, la destination finale de toutes les âmes. Chacune revient riche d'une leçon similaire à celle de l'autre. Psyché apprend que le prix de la renaissance sera toujours la mort - l'âme rejoint le Monde d'En-Dessous, trouve ce qu'elle y cherche et revient à la vie, enrichie toutefois de la conscience qu'elle porte la mort en elle et qu'il ne sera qu'une question de temps avant celle-ci ne la réclame pour de bon (heureusement pour Psyché, Eros/l'Amour la rend immortelle). Pour Inanna, déesse qui décide de jouer le rôle de shaman, les règles sont différentes ; et pourtant, elle est elle aussi touchée par la mort. Elle reçoit certaines des qualités de sa sœur, Ereshkigal, et en fait usage lorsqu'elle rencontre son amant Dumuzi, "l'étreignant avec l'Oeil de la Mort", comme Ereshkigal le fit pour elle-même lorsqu'elle se tint devant elle. Inanna porte donc aussi la mort avec elle, mais différemment ; elle choisit quelqu'un qui occupera sa place aux Enfers - ironiquement, un homme qui lui a manqué de respect tout comme Nergal a pu manquer de respect à Ereshkigal, à l'origine. Le prix de la résurrection est une autre mort. Psyché et Inanna recherchent Perséphone et Ereshkigal pour apprendre leurs secrets, pour en faire l'expérience, et pour elles-mêmes en faire usage.

23 juin 2013

Autour d'Ariane ~ Hieros Gamos


Traduction et adaptation personnelles.

                                                                                    "Suicide Season" LP cover - Bring Me The Horizon


Vous devez penser, à la manière dont ils racontent notre histoire aujourd'hui,
Que tout a eu lieu comme cela, le fait que mon époux m'ait défigurée,
Me dépouillant de mon humanité et s'en délectant.
Vous vous dites sans doute que je suis morte afin de m'élever à nouveau, dans Ses bras, pour bien plus longtemps.
Mais non, ça s'en rapproche, mais ça n'est pas la vérité.

Nous étions... Ensemble, et voilà tout.

En existant simplement l'un à côté de l'autre, nous étions deux moitiés de la même chose,
Et chaque jour passant, nous le devenions encore davantage.

Ma folie et sa santé mentale se pourchassant l'une l'autre,
Tels chasseur et proie,
Ou peut-être comme des masques de même facture,
Le Séducteur et le Séduit échangeant leurs rôles, jusqu'à ce que nous ne parvenions plus à distinguer ma propre perdition et son innocence retrouvée.

Ce fut alors un de ces jours que je me réveillais couverte de sang,
 Lovée dans la prison gourmande et chérie de Ses bras
Avec pour seul toit le ciel et les arbres,
Avec pour seule compagnie les restes des bêtes que nous avions déchiquetées au cours de la nuit,
Et la forêt demeura silencieuse et infinie face au cri terrifiant de notre désir conjoint,
Que moi-même je connus pour la première fois.

Sa nourrice et Sa mère et Sa meurtrière.... J'étais les mains qui firent renaître mon dieu.
J'étais Ariane !
La Plus Sainte, la Plus Terrifiante créature -
Un monstre au cœur tendre !

Alors je compris enfin
Combien ma folie était un don
Combien précieuse était la bénédiction
De n'avoir rien sur mon chemin qui me retienne de danser avec mon destin.

Comment une femme saine d'esprit n'aurait-elle pu reculer devant l'improbable arrogance de cette vérité ?

Et j'entendis la Mort s'avancer doucement vers moi...
Mais non pour anéantir le bonheur de notre cocon sauvage,
Simplement pour le rendre complet.
Car je suis Ariane,
L'autre moitié de Ses Mystères,
Et aucune part de Mon Aimé ne peut m'être étrangère.

La Mort ?
Elle circule dans Notre sang partagé,
Coulant à travers Notre cœur commun,
Tout autant que la plus pure essence de la Vie.

Hieros Gamos... Tels sont les mots qu'on utilise -
La Nature nous a lié l'Un à l'Autre,
Afin que nous incarnions les deux faces d'une même pièce...
Une seule et même réalité.




16 janvier 2013

Lilith - I

Fragments de rêve, Samhain 2012.


Ainsi le voici, Ton Royaume :
Sable et Souffle.
Un lieu de désolation grise
Au-delà de la Mémoire
Où résonnent les chants spectraux des Lamies.
L’Horizon est éteint
TerreCieuxVieMortTempsEspaceConscientInconscientBienMal
TerCiVMopsanBl
[0]
Ici, tout repère s’est effondré sur lui-même
Tout Verbe n’est plus que Sifflement Premier du Serpent.

 On me l’a murmuré autrefois :
C’est dans l’Arbre Mort que Tu trouvas refuge.
Dans cette souche rongée
Qui est désormais Ton lit et Ton trône.
C’est dans l’Arbre Mort
Que Tu entendis les râles
Que Tu vis le symbole
Tracé par mon doigt.

J’avais accompli Ton œuvre.
Brisé la loi des Hommes
Brisé mes propres lois
En Ton nom seul.

Je croyais alors avoir rompu toutes mes limites
Et d’au-delà du Voile
J’avançais vers Toi.
Sereine, j’ai marché vers Toi.
J’ai marché vers Toi comme on marche vers La Mère.
J’ai marché vers Toi, qui m’attendais.
J’ai marché vers Ta présence de sable, de plumes ; de Vide.
Les mains sur mon ventre, j’avançais.

Emplie d’une Vie, que je voulais Te consacrer, j’avançais.
Bruissements d’ailes.
Tes yeux dans mes yeux.
Lame glaciale.
Et le Désert est devenu rouge sous mes pas.
J’ai senti les serres s’enfoncer dans ma chair
Le venin du Serpent se répandre en moi
Le Baiser du Crapaud se poser sur mes cuisses.
D’un seul regard, tu as Tout pris.

Mon sexe a vomi des lambeaux d’existence
Sel et Eau transmutés, rouges, brûlants ;
Engloutis aussitôt par l’asphalte froide.

Enfonçant mes griffes dans les dunes,
Je me suis agrippée de toutes mes forces
Mais ce qui palpitait encore l’instant d’avant dans ma matrice
N’était déjà plus que fossiles.
Et Toi, que j’appelle Mère
Toi,
Tu m’as laisser me noyer dans la cendre
Et Tes hululements stridents
M’ont conduite à la folie.

J’ai hurlé
Mêlant ma voix pour l’Eternité aux chants des Lamies.
D’un seul regard,
Tu as Tout pris.

Rouge.
Et Obscurité.
“C’est seulement en m’offrant Toute Chose
Que tu pourras te réclamer de mon Sang.
Car tu dois savoir Que Rien ne t’appartient
Et que Rien m’appartient.”
Ainsi parla l’œil de la Chouette
Dans lequel je trouvais refuge.

Moi qui étais venue à Toi pour soulager Ta douleur, Mère Sombre.
Moi qui étais venue à Toi pour te dire que Ton sang coule toujours parmi la race des hommes.
Et continuera à couler, par ma Volonté.
Moi qui était venue comme ta Fille.
Comme la Fille de Tes Filles.
J’étais venue te dire que j’étais Tienne,
Complètement Tienne.

Mère.
Tu m’as arraché ce qui n’était pas à moi
Et tu l’as anéanti
Tu as vidé mon être de toute substance vitale
Et nourris le sol aride du désert
Avec le sang poisseux de mes chimères.
Tu m’as appris la Stérilité.
Tu m’a appris la Haine.
La Solitude.
La Démence.
La Mort.
Le Néant.

Tu m’as offert la Connaissance du Serpent
La sagesse de la Chouette
Et le baiser du Crapaud.

Mystères des Mystères.

Tu m’as dévoilé la source stérile du Désir
Et la volupté de l’Annihilation.
Tu m’as maudite de Ton Sceau.

Compréhension.

Je suis devenue Tienne.
Complètement Tienne.
D’un seul regard, Tu as Tout pris.