25 avril 2015

[Verhaxt !] 1er mai et Walpurgisnacht en Alsace

Comme un peu partout en Europe, les traditions populaires autour du 1er mai et plus particulièrement de la nuit de Walpurgis, appelée Hexennacht (nuit des sorcières) sont importantes en Alsace. Il s'agissait essentiellement de rites visant à se protéger des forces du mal, mais l'amour et la fertilité de la terre et des femmes sont également des thématiques importantes. Il n'en reste toutefois plus aucune trace à ma connaissance, les fêtes du muguet et du travail ayant pris le pas au XXème siècle sur ces traditions anciennes.

Gérard Leser, dans son ouvrage "plantes, croyances et traditions en Alsace", fait mention d'un certain nombre de ces traditions, dont j'ai retenu les principales pour composer cet article.
 
Ainsi, dès le 30 avril, on faisait sonner les cloches afin de chasser les démons ; puis, ces cloches étaient consacrées à la Vierge Marie, l'ensemble du mois de mai lui étant dédié. Pendant la nuit, afin de protéger les maisons, les étables et leurs habitants, on aspergeait de l'eau bénite, et on faisait claquer les fouets dans l'air, afin de reproduire, disait-on, le bruissement du Saint-Esprit, das Brausen des heiligen Geistes. Les entrées des étables étaient ornées de jeunes bouleaux : on pensait qu'avant de pouvoir y entrer pour y jeter des maléfices, la sorcière se trouvait dans l'obligation de compter toutes les feuilles de l'arbre - ce qu'elle ne parvenait bien sûr pas à faire avant le lever du soleil, moment auquel elle se voyait obligée de disparaître. On plantait également du nerprun dans le fumier, toujours pour éloigner les mauvais sorts du bétail et de la ferme toute entière.

Pendant la nuit, les jeunes gens se rendaient en forêt et allaient couper des arbres verts, des "mais", en dialecte maie, essentiellement des jeunes sapins et des bouleaux. Cette coutume est attestée depuis le 13ème siècle. Un mai était planté devant la maison de l'élue de son cœur, ou devant la maison de quelqu'un à qui on veut manifester sa reconnaissance ; en revanche, les Schandmaie, mais de la honte, étaient destinés aux personnes qui avaient déplu. On ornait ces arbustes desséchés de chiffons, de pantoufles déchirées ou de bois puant ... Tandis que les maie étaient eux ornés de rubans et de décorations diverses.

Ces jeunes gens allaient également frapper les jeunes filles à l'aide de jeunes rameaux de noisetier, afin d'accroître leur fertilité. Cet acte porte le nom de fitze, dont dérive e Fitzer, quelqu'un qui réussit dans la vie, ou gfitzt, réussi.

Le premier mai était aussi l'occasion de voir des cortèges de fillettes et de jeunes filles défiler. On les appelait reines de mai, petites roses de mai, petites femmes de mai ;  décorées de feuilles, de fleurs, portant des arbustes ornés de rubans multicolores, elles passaient de maison en maison et récitaient ou chantaient des formulettes avant de réclamer un don.

Voici la traduction en français d'une de ces chansons :

"Le mois de Mai amène la forêt verte
Ainsi nous amenons les mais décorés de roses
Si vous ne voulez pas nous donner des œufs
Le putois vous prendra toutes les poules
Si vous ne voulez pas nous donner de beurre
La vache ne vous donnera plus de lait
Si vous ne voulez pas nous donner de farine
Le meunier en prendra la moitié
Le Mai, le Mai tourne trois fois
Ainsi nous conduisons le Mai décoré de roses."

Je ne peux m'empêcher, à tort ou à raison, d'entendre dans cette formule la voix du Petit Peuple qui menace de jouer des tours au commun des mortels s'il ne respecte pas la tradition de faire un don à la nature en échange de la fertilité de la terre retrouvée.

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